Après les moteurs de recherche et les médias sociaux, l’IA générative redistribue de nouveau les cartes pour les médias d’information. Avec des impacts considérables sur la production, la diffusion et la monétisation du contenu. Comment les médias s’adaptent-ils et comment cela affecte-t-il l’activité de veille ? Petit tour des initiatives en cours.
Dans ses recherches, au cours de ses analyses ou de la réalisation de ses livrables, le professionnel de la veille est de plus en plus exposé, de façon plus ou moins subtile, à l’information en provenance des IA génératives.
Au départ, les réponses créées par les chatbots d’IA générative comme ChatGPT, Bard et quelques autres, lui ont offert un autre mode d’accès à l’information : un accès direct aux réponses, sans cliquer sur les sources. Et cet usage devrait perdurer si l’on en croit la prochaine version de Google, SGE, qui valorise les réponses générées par IA au détriment des résultats de recherche présentés sous forme de liens.
Mais le contenu généré par IA commence aussi à concurrencer les médias sous une autre forme : des sites entièrement créés par IA s’invitent en effet dans les résultats des moteurs de recherche. Leur contenu, écrit pour correspondre aux règles actuelles de SEO, serait même mieux référencé que celui des médias. Récemment, le service américain de notation de l’actualité NewsGuard a identifié près de 600 sites Web (ils étaient 49 en mai dernier) qui fonctionnent avec peu ou pas d’intervention humaine. Et un site généré par l’IA produit jusqu’à 1200 articles par jour, contre 100 pour Le Monde ou 250 pour le New York Times ! Certains sont même financés par la publicité.
Les médias ont donc raison de craindre une baisse de leur propre trafic, qui provient à plus de 90 % de Google. Pour la veille, cela signifie davantage de difficultés à trouver certains contenus en provenance de médias pertinents, soudainement noyés dans des pseudos sites d’actualités générés par l’IA, mais difficiles à identifier, car ils reprennent les codes graphiques des sites d’actualités. Ce qui nécessite donc davantage de rigueur encore en phase de sourcing.
En revanche, pour le veilleur, les transcriptions de podcasts et de vidéos par les médias en format texte, consultable par les moteurs de recherche comme Google et Bing pourrait ainsi signifier de nouveaux résultats de recherche enrichis de ces transcriptions (enfin !).
Mais d’autres initiatives en matière de recherche ont aussi lieu, à l’échelle individuelle de quelques médias : l’arrivée des chatbots au sein même des sites médias. En août dernier, un chatbot basé sur l’IA a été ajouté aux sites Macworld, PCWorld, Tech Advisor et TechHive. Ces derniers voulaient créer un chatbot « digne de confiance » (donc sans erreurs, sans citer de sources inexistantes ou inventer de fausses informations plausibles) pour répondre aux questions techniques en se fondant uniquement sur les articles des rédactions. Le chatbot, baptisé Smart Answers, apparaît dans presque toutes les pages des sites. Mais malgré des mois d’entraînement, le chatbot répond souvent, au mieux, qu’il ne sait pas/n’a pas assez d’information, y compris en cas des requêtes simples comme « quand est sorti le dernier produit Apple ? » ou « qui est le PDG de TikTok ? ». Au moins, n’invente-t-il pas juste pour avoir une réponse.
De son côté, Forbes dispose également, depuis peu, de son propre chatbot de recherche IA : Adelaide, dont il vient de sortir une version bêta (voir Figure 1). Les veilleurs peuvent donc poser des questions spécifiques (au-delà des mots-clés !) ou saisir des sujets généraux et obtenir des articles recommandés sur leur requête, ainsi qu’une réponse résumée à leur demande si elle a été couverte par la version américaine Forbes sur les douze derniers mois. Bien qu’Adélaide soit le premier outil d’IA générative construit par Forbes, le média avait développé d’autres outils dopés à l’IA depuis 2019.
Figure 1 : Résultat d’une question posée à Adelaide, le chatbot du média américain Forbes.
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Dans la plupart des entreprises, la veille brevet est souvent négligée. La veille brevet peut pourtant être une source d’informations précieuse pour l’intelligence concurrentielle. Elle permet de suivre l’évolution des technologies, d’identifier les concurrents, et d’exploiter toutes les opportunités de marché en développant une vraie stratégie. Entretien avec Philippe Borne, Délégué Régional de l’INPI pour la Région Grand Est (1), et également rédacteur occasionnel pour notre lettre BASES à titre d’expert.
François Libmann : La veille brevet a un potentiel qui nous semble sous-évalué dans le domaine de l’intelligence concurrentielle. Comment l’interprétez vous ?
Philippe Borne : Beaucoup d’entreprises ont une vision très juridique du brevet, considéré uniquement comme un outil de protection, et donc avec des stratégies brevet très traditionnelles. Et du fait de cette vision, on retrouve la même attitude en ce qui concerne la veille brevet. Cette vision très juridique du brevet en France a pour conséquence qu’il n’est pas tenu compte de son potentiel en tant que source d’informations pour l’intelligence concurrentielle. Cela ne vient, en effet, pas à l’esprit qu’on puisse faire de la veille technologique sur ce type d’information.
(1) Philippe Borne s’exprime ici à titre personnel et les opinions qu’il expose n’engagent que lui-même.
F. L. : Contrairement à la publication scientifique finalement.
P.B. : Oui, lorsque nous tombons sur une publication scientifique, c’est généralement beaucoup plus simple. Son rôle principal est de diffuser et partager l’information : on la lit, on la comprend, et on l’utilise. En revanche, le brevet a un objectif différent. Bien que la mise à disposition de l’information ait été l’intention première des créateurs du système des brevets en 1791, la fonction principale d’un brevet est de réserver un territoire technologique, c’est-à-dire d’en interdire l’accès à d’autres.
F. L. : La veille brevet est souvent perçue comme un outil d’accès difficile et coûteux, ce qui dissuade les entreprises de s’y investir.
P.B. : Oui, c’est vrai. La vision très juridique du brevet découle de la manière dont la propriété intellectuelle est enseignée en France. Le problème, c’est qu’il y a peu d’enseignement sur l’utilisation de cet outil pour servir une stratégie d’entreprise.
F. L. : Le problème de la veille brevet au service de la stratégie concerne plus les PME, il y a quand même un certain nombre de grandes entreprises qui ont des services brevets assez stratégiques.
P.B. : Oui, ça dépend. Je me rappelle un discours de l’agence France Brevets (aujourd’hui disparue) sur le fait qu’il y avait beaucoup d’entreprises en France, même des grandes, dans lesquelles l’évaluation de la politique de propriété intellectuelle se mesurait au poids, c’est-à-dire qu’en fait, elles passaient leur temps à déposer des brevets, parfois sans trop se soucier de leur qualité.
F. L. : Comment les entreprises peuvent-elles utiliser la veille brevet de manière plus stratégique, de façon offensive et défensive ?
P.B. : La première étape serait de reconnaître le brevet non seulement comme un outil de protection juridique, mais également comme une mine d’informations pour l’intelligence économique et concurrentielle. Cela nécessiterait une évolution de la formation et de la sensibilisation sur la valeur et l’utilisation stratégique des brevets.
Le système des brevets repose sur un ensemble complexe de règles juridiques et techniques. Pour pouvoir exploiter efficacement les informations contenues dans les brevets, il est essentiel d’avoir quelques connaissances fondamentales sur le fonctionnement du système des brevets et de comprendre le cadre juridique et technique dans lequel s’inscrit le brevet. Comprendre certains concepts, comme le délai de publication de 18 mois, la notion de revendication, sa différence avec la description, ou encore la distinction entre un brevet en vigueur et une demande de brevet.
Par exemple, il est important de savoir que les brevets sont publiés en deux étapes. Dans un premier temps, le brevet est publié sous forme de demande de brevet, qui contient une description de l’invention, mais ne donne qu’un droit en quelque sorte provisoire. Dans un second temps, le brevet, s’il est délivré, est publié comme tel avec d’éventuelles modifications par rapport à la demande et il donne alors des droits exclusifs sur l’invention.
F. L. : Le système est souvent mal compris. La France devrait-elle s’inspirer d’autres pays, comme la Corée du Sud ou le Japon, pour enseigner la propriété intellectuelle ?
P. B. : Oui, la propriété intellectuelle est un domaine complexe qui mérite d’être enseigné dès le plus jeune âge, comme dans cette série de vidéos (<link>https://www.youtube.com/watch?v=HvyI7vR4FBk</link>). Les Japonais et les Coréens ont mis en place des sites avec des vidéos pour intéresser les élèves à la propriété intellectuelle.
C’est un vrai défi pédagogique, mais cela permettrait aux Français de mieux comprendre les enjeux de la propriété intellectuelle et de mieux exploiter les informations contenues dans les brevets.
Il faudrait s’en inspirer, je pense, ce que l’on sait mal faire en France. Il ne faut surtout pas commencer par l’aspect juridique, mais donner des exemples concrets. En explorant par exemple des bases de données comme Espacenet (<link>https://worldwide.espacenet.com/?locale=fr_EP</link>) ou Patentscope (<link>https://www.wipo.int/patentscope/fr/</link>) pour permettre de voir le brevet « en action » et rendre le sujet plus ludique.
F. L. : Le décalage de 18 mois entre le dépôt d’une demande de brevet et sa publication peut-il limiter l’utilité de la veille brevet pour suivre les innovations de la concurrence ?
P. B. : Trop d’entreprises ignorent même le fait que les brevets sont publiés avec un décalage de 18 mois. Ce décalage n’est pas forcément un obstacle à l’utilisation de la veille brevet, car il est possible de suivre les tendances technologiques à partir des dépôts de brevet.
F. L. : Il y a un autre souci majeur : dans certains secteurs, la quasi-totalité sont des brevets déposés en Chine continentale. Nous sommes submergés par ces brevets, et la plupart ne sont pas étendus en dehors de Chine.
P. B. : C’est effectivement une réalité : dans certains domaines si l’on veut vraiment étudier le sujet, on doit prendre en compte un grand nombre de ces brevets chinois. C’est chronophage et peut être assez ardu, mais au-delà de cet aspect, il est utile de voir ce que font les Chinois d’un point de vue technologique.
Même si une majorité de ces brevets sont déposés localement, 10 à 15 % d’entre eux sont étendus à l’international. Cela représente un volume considérable, deux fois le nombre de demandes de brevets déposés par la France. Et bien qu’il y ait des défis de traduction et de compréhension, il est impératif de ne pas ignorer ces dépôts, car, encore une fois, ils font partie intégrante de l’état de la technique actuelle. Il est essentiel de les examiner, de les traduire et de les comprendre, malgré les limites des outils de traduction actuels.
F. L. : Comment faire ?
P. B. : Il faut vérifier si les brevets ont été étendus à d’autres pays ; et qu’ils aient été étendus ou pas, ils constituent de l’art antérieur. Il faut être vigilant : un brevet chinois, même s’il n’est pas étendu hors de Chine, doit impérativement être pris en compte dans le cadre d’une recherche de nouveauté ou d’activité inventive. Il peut remettre en cause la nouveauté d’une invention faite en France, rendant celle-ci non brevetable.
Même si un brevet déposé uniquement en Chine peut entraver la brevetabilité en France, cela n’empêchera pas d’exploiter librement la technologie ailleurs qu’en Chine donc, en particulier en France (enfin, à condition que d’autres n’aient pas de brevets couvrant en partie cette technologie, la vérification de la liberté d’exploitation n’étant pas un sujet simple).
F. L. : Pour la petite histoire, comment expliquer cette croissance spectaculaire des dépôts de brevets chinois ?
P. B. : Si l’on observe la tendance, cette montée démarre autour de 2005-2006. On note que cela suit l’entrée de la Chine à l’OMC en 2001, ce qui lui a permis de jouir de certains avantages et de mieux exporter ses produits. Peu de temps après, les dépôts de brevets chinois ont commencé à dominer le monde. Actuellement, il y a environ 1 500 000 à 1 600 000 demandes de brevets déposées chaque année à l’Office chinois, contre 400 000 à 500 000 pour les Américains.
C’est une stratégie définie par les autorités chinoises dans les années 2010, qui ont massivement financé les dépôts de brevet des entreprises nationales, sans se préoccuper de la qualité. Le but était d’habituer les entreprises au système de brevetage. Aujourd’hui, tout en conservant ce volume impressionnant, ils se tournent vers une amélioration de la qualité des dépôts.
F. L. : Revenons-en au dispositif brevet des entreprises. Comment ces dernières doivent-elles s’équiper ?
P. B. : En termes d’outils de recherche de brevets, il existe des plateformes gratuites et d’autres qui sont payantes. Les plateformes payantes fonctionnent en général sur la base d’un abonnement annuel dont le montant démarre habituellement à un niveau de 3 500 € HT, mais peut grimper nettement plus haut, ce qui représente un investissement conséquent. De mon point de vue, dès que l’on commence à rechercher régulièrement des informations brevet, disons deux ou trois fois par mois, il est toujours préférable de passer à la version payante, pour plusieurs raisons. On trouve d’abord des fonctionnalités de recherche plus avancées, ainsi que des outils d’analyse statistique. On peut aussi générer des PDF de qualité et des rapports détaillés, ce qui est beaucoup moins faisable sur les plateformes gratuites. Enfin, il y a aussi un service d’assistance technique disponible, ainsi que des formations régulières. En fait, lorsque l’on dépend de l’information brevet pour la veille stratégique dans une entreprise, il est préférable d’utiliser une plateforme payante.
Bien sûr, la version gratuite peut servir d’introduction pour tester les fonctionnalités, mais elle n’offre pas la même palette d’outils. Je recommande donc une version payante pour une utilisation professionnelle.
F. L. : Passons à la stratégie brevets elle-même des entreprises. Comment celles-ci peuvent-elles utiliser les brevets ?
P. B. : Il y a d’abord un piège sémantique à éviter. La stratégie classique de protection des inventions, où l’on dépose un brevet dans le but de pouvoir agir contre quiconque tenterait de s’approprier la technologie brevetée, peut être considérée comme défensive ou offensive, selon les auteurs.
Les deux termes ne sont pas utilisés de la même manière par tout le monde. Certaines personnes considèrent que mettre une barrière autour d’un territoire technologique pour empêcher les autres d’y entrer est une posture défensive. D’autres estiment qu’utiliser un brevet pour attaquer en justice un nouvel entrant dans son territoire technologique est une posture offensive. Il faut donc être prudent, car ces termes ne sont pas toujours clairs.
Cependant, il existe d’autres approches stratégiques des brevets, que certains qualifieraient de détournées, mais que je qualifierais simplement de plus évoluées, ou plus astucieuses. Elles consistent à utiliser les brevets non seulement pour créer une barrière autour d’un territoire technologique, mais aussi pour créer des rapports de force. On peut alors accuser quelqu’un d’entrer dans son territoire technologique, même s’il n’y entre pas réellement. Dans ce cas, la problématique ne sera pas seulement de lutter contre les copieurs, mais aussi d’éviter d’être accusé à tort de copier, ce qui est toujours source de dépenses considérables devant les tribunaux, surtout aux États-Unis.
F. L. : Avez-vous un exemple pour illustrer cette situation problématique ?
P. B. : Un exemple inspiré de faits réels : celui d’une start-up française qui avait une stratégie de brevet classique visant à verrouiller un territoire technologique en France et aux États-Unis. Cependant, après son arrivée aux États-Unis, elle a été accusée d’entrer dans le territoire technologique d’une autre entreprise qui convoitait sa technologie pour se diversifier. Cela a contraint cette start-up à dépenser des millions de dollars pour se défendre en justice. Finalement, devenue exsangue financièrement, elle a accepté d’être rachetée par ce même concurrent américain qui convoitait sa technologie. Cette histoire illustre comment la propriété intellectuelle peut être utilisée non seulement pour protéger les inventions, mais aussi dans une perspective stratégique où elle peut être détournée pour créer des rapports de force et influencer la concurrence. C’est donc aussi une arme économique pour influer sur la concurrence et les marchés.
Une veille peut s’effectuer sur un très grand nombre de sources telles que les publications dans différents types de presse (généraliste, scientifique…), le web et, en particulier Google ou des sites spécialisés, les réseaux sociaux, les visites de foires et salons, les conférences…
Dans un très grand nombre de cas, particulièrement pour la veille technologique et concurrentielle, il ne faut surtout pas négliger les différentes dimensions de la propriété industrielle : brevets, marques ainsi que dessins et modèles.
Tout d’abord, précisons le vocabulaire, car il y a un fort risque de confusion.
On rappellera en premier lieu qu’un brevet est une sorte de contrat entre l’État en général et un inventeur. En échange de l’exclusivité de l’usage d’une technologie sur une durée pouvant, en général, aller jusqu’à 20 ans, la description de cette technologie est rendue publiquement accessible, après une période de 18 mois, et constitue une information scientifique/technique.
Le titulaire du brevet peut exploiter lui-même sa technologie ou décider s’il autorise un/des tiers à l’exploiter et, dans ce cas, sous quelles conditions (vente du brevet, concession d’une licence).
On entend souvent dire qu’une grande partie des informations techniques (80 % est un chiffre classique) se trouve uniquement dans les brevets et n’est pas disponible dans les articles scientifiques ou les comptes-rendus de congrès. En fait, c’est un peu devenu une « légende urbaine », mais ce chiffre provient d’une étude publiée en… 1977 aux États-Unis, menée avec une rigueur très relative et alors que le paysage a énormément changé en plus de 45 ans. Pratiquement jamais sourcé, bien que trouvé des millions de fois par Google, ce chiffre sert surtout à faire la promotion de l’utilisation des brevets.
Pour être brevetable, l’invention doit respecter plusieurs critères :
● La nouveauté : il s’agit d’une nouveauté « absolue ». L’invention ne doit jamais avoir été rendue accessible au public sous quelque forme que ce soit. Une « publication antérieure » peut être un brevet, mais pas nécessairement. Il peut également s’agir d’un article publié dans une revue scientifique. Cette antériorité peut aussi être trouvée dans une publication à petit tirage, récente ou non, mais réellement diffusée en France ou ailleurs dans le monde. Cela peut même être une bande dessinée ;
● L’activité inventive : l’invention ne doit pas découler de manière évidente de la technique connue par « l’homme de métier » ;
● L’application industrielle : l’invention doit pouvoir être fabriquée ou utilisée, quel que soit le type d’industrie.
Un brevet est déposé dans un ou plusieurs pays et, s’il est délivré, n’exerce ses effets que dans ce(s) pays. Cela signifie que la technologie qu’il décrit peut-être librement utilisée dans les autres pays, mais ne pourra évidemment pas faire l’objet d’autre brevet dans ces pays. Il existe des dépôts dans un pays, mais il existe aussi des dépôts multi pays : les brevets PCT (Patent Cooperation Treaty), les brevets européens et depuis peu les brevets unitaires, ces derniers couvrant 17 États membres de l’Union européenne.
Il faut être attentif au fait qu’une demande de brevet n’est publiée que dix-huit mois après son dépôt, mais cette publication ne veut en aucun cas dire que le brevet sera délivré. Cependant, le contenu de cette demande constituera ce que l’on appelle un art antérieur.
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On oublie trop souvent que les brevets ont un intérêt pour la veille concurrentielle. Et pourtant, en savoir un peu plus sur la politique brevet d’une entreprise est souvent très utile : par exemple, S’il s’agit de l’un de vos concurrents, cela peut être intéressant de connaître les techniques sur lesquelles il dispose d’une capacité d’interdiction, Si c’est un potentiel partenaire, cela peut être très pertinent avant de signer un accord de collaboration de connaître son niveau de sensibilité à la propriété industrielle. Et s’il s’agit d’un des fournisseurs auprès duquel vous vous approvisionnez en composants indispensables, s’il dispose de brevets sur ces composants, cela peut vouloir dire que vous ne pourrez vous fournir ailleurs. Et cette liste est loin d’être exhaustive.
Alors comment collecter des informations sur la politique brevet d’un concurrent, d’un partenaire, d’un fournisseur…. sans se ruiner ? Et comment entrer et comprendre les bases du monde des brevets, qui peut paraître inaccessible aux non-initiés ?
Toutes les données brevet sont publiques, accessibles dans des bases de données dont beaucoup sont en accès libre, comme Espacenet ou Patentscope. Dans cet article, nous allons vous montrer comment les retrouver.
Pour cela nous partirons d’un exemple concret en nous intéressant à la politique brevet de Volocopter, une startup allemande conceptrice d’un taxi volant à propulsion électrique qu’elle ambitionne de faire voler à l’occasion des Jeux olympiques de Paris, à l’été 2024.
Espacenet est la base de données de l’Office européen des brevets en accès libre qui couvre plus de 140 millions de documents brevets du monde entier.
Nous ouvrons https://worldwide.espacenet.com/, et dans la barre d’outils sélectionnons « Recherche avancée ». On entre ensuite Volocopter dans le champ Demandeurs (cf. Figure 1.).
Attention : Dans le cas de cet exemple, la recherche sur le nom de l’entreprise ne pose pas de problème, car il s’agit d’un nom unique, non ambigu et sans homonyme connu. Mais il y a de nombreux cas beaucoup plus compliqués à appréhender. Nous avons listé dans un encadré à la fin de cet article les différents cas de figure que vous pouvez rencontrer et les méthodes que nous préconisons.
Figure 1.Descendre tout en bas de l’éditeur de requête via la barre de défilement et de cliquer sur le bouton « Recherche ».
L’écran obtenu après exécution de la recherche se présente comme suit (cf. Figure 2) :
Figure 2. Les résultats de recherche sur Espacenet.
Nous obtenons 65 « résultats », mais qu’est-ce qu’un résultat pour Espacenet ? Un « résultat » correspond à une « famille de brevets », c’est-à-dire à un ensemble de brevets déposés dans différents pays dans le but de protéger - ou valoriser - la même invention dans tous ces pays. On peut donc dire en première approximation qu’un « résultat » correspond à une invention.
À l’origine d’une famille de brevets, on a souvent un brevet de base, le premier de la famille, fréquemment déposé dans le pays de résidence de l’entreprise, ici l’Allemagne. Ce brevet de base essaime ensuite dans les autres pays : États-Unis, Chine, France… pour constituer la famille.
Première information clé donc : au cours de son existence, Volocopter est à l’origine de 65 inventions protégées par des brevets.
Mais nous pouvons en savoir plus, et pour cela nous allons tirer profit d’un outil clé d’Espacenet : les « Filtres ».
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Comme nous avons pu le voir dans l’article « Comment enrichir sa veille concurrentielle avec les brevets ? » de ce même numéro, l’information brevet a un rôle à jouer dans tous les types de veille mais l’inverse est aussi vrai. L’information non-brevet, comme l’information business, financière, presse, etc. a aussi un rôle à jouer pour enrichir et améliorer la veille brevet.
C’est ce que nous avons choisi d’explorer dans cet article en partant d’un exemple concret : analyser la politique brevet de Quobly, une start-up française dans le secteur de la recherche quantique qui a récemment fait parler d’elle avec l’entrée de BPI France dans son capital. Nous avons choisi de mener l’enquête uniquement avec des données en libre accès.
NB : Suivant de loin le sujet du quantique, nous savons que les acteurs américains et chinois du domaine y ont une politique brevet très active. Un rapport de Michel Kurek publié en 2020 a établi que sur la période 2010 - 2020 les acteurs chinois sont à l’origine de 5164 familles de brevets, les acteurs américains de 1990 familles, et les acteurs français d’un modeste chiffre de 126 familles.
Quoi de mieux pour analyser une politique brevet que de commencer par une recherche dans les brevets. Nous avons utilisé ici l’outil Espacenet (pour savoir comment rechercher sur Espacenet, nous vous invitons à lire l’article « Comment enrichir sa veille concurrentielle avec les brevets ? » dans ce même numéro).
Première surprise : avec une recherche sur Quobly, on ne trouve aucun brevet.
Comme le nom de la société dans les bases brevets ne permet pas de faire remonter le moindre brevet, il va falloir trouver d’autres points d’entrée, en l’occurrence d’autres mots-clés.
Nous lançons donc des recherches sur Google et Google Actualités avec le terme Quobly (voir Figure 1.).
Figure 1. Résultats de recherche
Nous recueillons dès les premiers liens plusieurs indices d’intérêt : « PODCAST : Maud Vinet, PDG de Quobly, anciennement Siquance - 12/07 » ; le deuxième lien confirme : « Quantique : Siquance devient Quobly et lève 19 millions d’euros ». Un lien plus bas nous dit « Grenoble. Isère : première levée de fonds pour Quobly (ex… »
Nous avons là trois informations de choix : 1) l’ancien nom de Quobly est Siquance ; 2) le nom du PDG de la société est Maud Vinet (ce qui va nous être utile un peu plus tard) ; 3) Quobly est probablement situé dans le département de l’Isère.
Bien entendu, nous réessayons avec le nom Siquance l’opération que nous avons tentée avec Quobly sur Espacenet : nous cherchons le nom Siquance en tant que nom de demandeur.
Hélas, pas plus de brevets au nom de Siquance qu’au nom de Quobly.
On rappellera qu’une demande de brevet est publiée, et apparaît donc dans les bases de données comme Espacenet, 18 mois après son dépôt.
Une explication pourrait être que la société Siquance a été créée il y a moins de 18 mois ; auquel cas, si elle a déposé une ou plusieurs demandes de brevet, celles-ci ne peuvent encore être accessibles dans Espacenet. Il nous faudrait donc confirmer la date de création de la société.
L’un des outils de recherche gratuits les plus puissants du moment sur les sociétés s’appelle Pappers
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La question de la surcharge informationnelle, créée par l’explosion de la sphère numérique, se pose de façon toujours plus aiguë pour les métiers de l’information.
Cette réalité est clairement mise en évidence dans le premier article de ce nouveau numéro de NETSOURCES, témoignage des défis auxquels sont confrontés veilleurs et documentalistes dans leur veille métier face à la vague IA (« IA et veille métier : les veilleurs dans l’expectative »).
Comment gérer les vagues d’informations potentiellement pertinentes pour nos métiers qui affluent à travers les multiples canaux numériques, newsletters, blogs, sites et apps de presse, réseaux sociaux pour ne citer qu'eux ?
Comment absorber - sans s’y noyer - ces flux qui deviennent peu à peu des éléments structurants de notre système d’information personnel ? Et surtout, comment les professionnels de l’information peuvent-ils les utiliser pour en faire une véritable force au service de leur veille métier, et par là même de leur métier ?
À notre sens, accroître la valeur de la fonction dans un monde de l’information décloisonné et concurrentiel passe par une stratégie de différenciation des professionnels et l’affirmation de leur rôle au sein de l’organisation et vis-à-vis des clients.
C’est sur cette voie que le présent dossier sur la « révolution de la veille métier » mène nos lecteurs. En revisitant un concept remis à l’honneur par l’irruption de l’IA : le Personal Knowledge Management (PKM) via la création d’un « second cerveau » permettant la construction d’un système de connaissances personnel puissant.
Le concept s’applique sans doute à tous les métiers, mais il acquiert une pertinence accrue pour les nôtres. En s’appuyant sur l’aptitude particulière des experts en information à naviguer dans la complexité des systèmes d’information, ce nouveau NETSOURCES propose ainsi de repenser notre veille métier, afin de la transformer en un outil dédié à l’amélioration de notre propre valeur professionnelle.
« Ça va trop vite, c’est difficile de trouver les bonnes sources, il y a trop d’outils et il y a trop d’aspects à maîtriser ». C’est avec ces mots que Franck Guigard, conseiller Performance et Management de l’information au sein de la CCI de la Drôme, résume la vague IA qui a déferlé sur sa veille métier.
Avec l’IA, ce sont non seulement des milliers de nouveaux outils à évaluer, trier, tester… mais c’est aussi toute une méthodologie à revoir :
● Faut-il ajouter des sources spécifiques à sa veille métier ?
● Quels sont les nouveaux mots-clés à surveiller ?
● Comment optimiser son temps de lecture ? Avec un résumé ? Sous quel format ?
● Peut-on la partager de façon plus attractive ? Dans une autre langue ? Sous quel format ?
Même si la veille métier est caractérisée par son objectif prospectif, il n’en demeure pas moins que la « vague IA » a pris de court la majorité des professionnels de l’information. Six mois après l’arrivée de ChatGPT dans le monde de l’information, comment les veilleurs surfent-ils sur la vague ?
Pour le savoir, nous avons interrogé plusieurs professionnels qui ont accepté de partager le fruit de leur réflexion.
La veille métier étant souvent peu visible, chronophage (et souvent sur son temps personnel), la première question que l’on pourrait se poser serait : « est-il possible de déléguer l’ensemble de sa veille à une IA ? ».
Pour Emmanuel Barthe, veilleur juridique auprès d’un cabinet d’avocats international et auteur du blog Precisement.org, c’est un questionnement récurrent :
"En tant que documentaliste on y pense à chaque évolution technologique. Comme la veille est une activité récurrente de recherche et de sélection, les chatbots peuvent, en théorie, automatiser cette activité.
Mais il y a deux freins majeurs :
Les chatbots ne peuvent pas donner de tendances fiables. À l’instar de Google Trends, on ne sait pas si les informations sur lesquelles ils se basent sont scientifiquement prouvées, ni s’il s’agit de sources actuelles ou anciennes, ni même si cela correspond précisément à nos mots-clés ;
Les IA dépendent de fonds pour s’entraîner, et pour l’instant la presse française refuse soit de leur fournir tout court, soit de les leur fournir sans rémunération."
« J’ai deux projets sur lesquels m’interroger pour la rentrée, l’IA et le Knowledge Management, déclare Franck Guigard en nous montrant le fameux livre de Tiago Forte « Construire un second cerveau », sa lecture estivale. Mais les mettre en application demain, pas encore. »
Pour Franck Guigard comme pour Stéphanie Barthélémi, consultante indépendante et enseignante en veille, l’heure est à la « veille passive » (sans but précis), comme l’explique Stéphanie. Et en cas de question supplémentaire, ils étendent simplement leurs recherches ponctuelles.
Si Franck s’est inscrit aux newsletters « Les outils IA » de Matthieu Cortesy (consultant et formateur en stratégie digitale) et de Fidel Navamuel (connu pour sa newsletter Outils TICE), Stéphanie suit le compte X (ex-Twitter) de Yann Le Cun (@ylecun), professeur-chercheur en IA à la NYU et Chief IA Scientist chez Meta, le compte LinkedIn de Sylvain Peyronnet, expert IA et SEO et enfin le flux RSS de l’INRIA.
Et tous les deux ont prévu de suivre très vite une ou plusieurs formations, au regard de la densité de l’information à digérer. Leur veille n’est ainsi pas trop surchargée et reste sous contrôle, avec un flux « digeste », d’autant que le temps alloué à cette activité s’exerce souvent en plus de sa propre charge de travail.
Pour ajouter de nouveaux médias via les flux RSS on pensera à suivre des flux :
Surtout utile en phase de mise en place, la recherche de mots-clés n’est pas le plus courant pour une veille métier. Pourtant, c’est là que l’IA semble la plus efficace de façon fiable.
Pour Stéphanie Barthélémi, « les générateurs de texte sont intéressants pour identifier des mots-clés. Quand j’essaie de m’approprier un domaine, avec des ingénieurs par exemple, cela m’aide à construire des cocons sémantiques, auxquels même les ingénieurs n’auraient pas pensé ! Mais il y a tellement de choses à faire qu’il faudrait y être à 100 % ».
Son truc pour améliorer sa veille en la matière ? Explorer l’impact de l’IA dans le SEO afin de « bien comprendre et analyser les contenus des concurrents pour trouver leurs forces et leurs faiblesses ». Un choix d’autant plus pertinent que le marketing constitue le secteur pour lequel ChatGPT a été créé.
Même écho chez Emmanuel Barthe « Ma conclusion est que c’est efficace en phase de recherche pour penser les mots-clés à votre place, mais que c’est surtout pour la synthèse qu’il sera utilisé. Mais pour le faire de façon fiable à 100 %, ce n’est pas encore gagné ! ». D’abord bluffé, il s’est vite rendu compte que les résumés par IA ne dispensent pas de lire pour se faire sa propre idée.
Les fonctionnalités de résumé et de synthèse semblent en revanche les plus utiles.
Parmi les outils qui permettent de raccourcir le temps de lecture, les outils de résumés, attendus des professionnels de l’information, figurent en tête des fonctionnalités insérées à l’unanimité par la nouvelle génération de lecteurs de flux. Accessibles en un clic dans tous ces lecteurs d’actualité boostés à l’IA, ils restent pourtant absents des agrégateurs de flux traditionnels. Peut-être à cause de leur manque de fiabilité ? En attendant, cela ne justifie donc pas encore de changer son lecteur de flux !
Voir notre article « Lecteurs RSS : vers un nouveau souffle ? » - BASES n° 415 - juin 2023
Pour Stéphanie, « le jour où l’on aura des informations issues de sources fiables et non issues d’articles de désinformation ou inventées, je commencerai à m’intéresser à l’extraction et à l’analyse. Sinon on doit refaire le travail de recouper les infos et ça nous prend trop de temps. »
D’abord tenté, Franck Guigard s’interroge d’ailleurs aujourd’hui : « Je recommande cette fonctionnalité IA à mes étudiants pour les articles longs, mais je leur demande de bien vérifier ». Il y voit donc une fonctionnalité gratuite utile à condition de maîtriser son contenu.
Même réaction du côté d’Emmanuel Barthe : « Le chapeau des articles me suffit actuellement. De plus, la veille juridique est particulière : dans le cadre d’une information concernant les impôts, cela nous intéresse de connaître le plafond. Dans l’exemple d’une amende, ce qui nous intéresse, c’est le montant. Et cela, l’IA ne nous le donnera pas forcément dans un résumé !
Et de développer : si vous prenez un article d’analyse et que des points clés - comme parfois dans la presse économique - ne sont pas signalés comme tels, le résumé d’un LLM peut passer à côté des inflexions. »
Plus que le résumé des articles, ce qui intéresse Emmanuel Barthe, c’est la synthèse de l’ensemble des articles de la veille et la possibilité d’éditorialiser sa veille avec toutes les informations clés.
Mais là encore, l’IA n’est pas suffisamment fiable pour justifier de l’utilisation d’un nouvel outil :
« L’IA générative a une logique probabiliste, ce qui veut dire que le divergent, comme la presse indépendante (Le Canard Enchaîné, la lettre A, Mediapart, Street Press, etc.), minoritaire, ne va pas être pris en compte si on ne lui demande pas expressément de le lire ».
Pour Emmanuel Barthe, il y a deux types de médias :
« J’ai fait nombre de recherches et ma conclusion, c’est que le dispositif gratuit tel qu’il nous est servi aujourd’hui est inefficace. Il faut une IA entraînée par des spécialistes, sur un contenu restreint de qualité pour voir tomber les hallucinations à 0,01 %. Sinon c’est un robinet d’eau tiède ».
Il note ainsi que même avec l’API de GPT4, il reste nécessaire d’avoir recours à des développeurs experts, à même d’augmenter le pourcentage de probabilité d’un LLM tout en vérifiant la pertinence du contenu. « En France ils doivent être deux ou trois pour le juridique, c’est une réelle barrière au développement d’outils pertinents dans le temps, explique-t-il. Enfin, dans beaucoup de domaines, il n’est pas question d’intégrer un texte spécifique à un client dans un outil IA pour des raisons de confidentialité. »
Loin de l’excitation de la nouveauté, Franck Guigard reste également circonspect devant la « magie » vendue par les outils IA
« j’ai bien peur qu’il ne s’agisse surtout d’outils instables, car tout le monde en sort en ce moment. Mettre en place une méthodologie, tester et choisir des outils qui dans trois mois n’existeront plus : non merci ! ». Et d’observer : « on a déjà connu cela avec la fin de Google Reader, qui avait donné naissance à de nombreux lecteurs de flux. Puis le marché s’est stabilisé ».
Il faut dire qu’avec des dizaines de milliers « d’outils IA » sortis du bois en quelques mois, c’est difficile à suivre. Pour surveiller les sorties de nouveaux outils, Franck Guigard utilise le portail There’s an AI for that (« Il y a une IA pour ça »), qui lui permet d’un côté d’évaluer l’apport actuel ou à venir en termes de productivité pour les entrepreneurs, et de l’autre de faire réfléchir ses étudiants. Ce qui, indirectement, infuse également sa veille métier.
Une autre réserve, citée par Franck Guigard, est la consommation de ressources. À l’heure de la sobriété numérique, l’heure n’est plus à la course. On se souvient de la publication en 2019 d’un article choc par des chercheurs de l’université du Massachusetts, estimant un coût en CO₂ de l’entraînement d’une IA pendant quelques jours équivalent au cycle de vie complet de 5 voitures. Aujourd’hui, une autre étude de Berkeley et Google divise ce chiffre par 88, soit l’équivalent d’un vol aller-retour entre San Francisco et New York (https://ieeexplore.ieee.org/document/9810097). Difficile d’y voir clair en réalité, mais la bonne nouvelle serait que la communauté s’est emparée du sujet.
Reste enfin la question du coût « car ce que les éditeurs juridiques font comprendre, c’est que toutes ces fonctionnalités supplémentaires se paient », précise Emmanuel Barthe.
Même si l’heure est encore à l’observation officiellement, cela n’empêche pas les professionnels d’entrer en phase de tests, officiellement ou non, pour mieux évaluer leur future intégration.
Pour Emmanuel Barthe, l’IA aurait plutôt un avenir dans l’automatisation des requêtes à l’origine des veilles et la rédaction de synthèses, et le changement viendra des agrégateurs de presse « quand ils nous proposeront d’aller dans notre sélection pour déterminer les mots-clés qui correspondent à nos centres d’intérêt, et peut-être même formuleront la requête correspondante. Même si pour l’heure, je n’ai pas entendu que l’un d’eux allait le proposer. En revanche, aux États-Unis, il existe déjà un outil, par exemple au sein de la branche juridique de Lexis Nexis. Les bases de presse, elles, n’ont pour le moment pas les moyens. »
En revanche, il est catégorique : ce type d’IA ne pourra pas être utilisé dans la détection de tendances ni dans la configuration d’un outil de veille (à qui s’adresse ma veille, selon quelle périodicité, etc.).
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Le professionnel de l’information se retrouve très touché par le développement exponentiel de l’IA et l’arrivée de ChatGPT au début de l’année 2023, notamment en termes de compétences à développer et en connaissances à acquérir.
Se former et s’informer sur l’IA n’a rien de facile tant il y a un déluge d’informations autour du thème de l’IA, tant l’environnement évolue et change très vite et tant il y a de nouveaux outils qui apparaissent chaque semaine.
Face à ce contexte inédit, le veilleur a 2 possibilités :
Dans cet article, nous vous proposons les sources que nous jugeons les plus utiles pour suivre les dernières grandes actualités de l’IA, réfléchir à son intégration aux pratiques de veille et de recherche et découvrir de nouveaux outils permettant de gagner en efficacité.
Les sources classiquement suivies par les professionnels de l’information comme les blogs orientés veille, les revues professionnelles sur la veille et l’infodoc, les comptes d’experts sur les réseaux sociaux, etc. ont pour la plupart commencé à intégrer une dimension « IA » à leurs publications.
On ne se privera pas de ce type de contenus qui a l’avantage de traiter le thème IA sous l’angle professionnel et pratique, utile aux veilleurs, mais on aura intérêt à élargir le spectre à d’autres sources plus spécifiquement orientées IA.
On commencera par les sources nouvellement créées par des professionnels de l’information et dédiées aux thématiques de l’IA comme :
● Les outils IA, un nouveau site d’actualités créé par Fidel Navamuel (déjà auteur des sites https://outilsveille.com/ et https://outilscollaboratifs.com/). Chaque article présente en détail un outil faisant appel à l’intelligence artificielle. En français.
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Dans le monde professionnel, chacun développe en continu les compétences utiles à l’exercice de son métier pour rester à la pointe et devenir d’une certaine façon « la meilleure version professionnelle de soi-même ».
L’une des manières d’y parvenir consiste à faire de la veille métier, c’est-à-dire à analyser les dernières tendances et dernières innovations techniques, s’approprier de nouvelles méthodologies et astuces ou encore être en phase avec les dernières évolutions du marché, ce qui dans le contexte actuel n’est pas une mince affaire.
Difficile en effet de trouver le temps de faire de la veille métier en plus de toutes ses tâches quotidiennes. D’autant que dans un contexte d’explosion numérique, la veille métier englobe de plus en plus de thématiques et génère de plus en plus d’informations à traiter et assimiler.
Et cela ne s’arrête pas là, car on ne fait pas de la veille pour la simple beauté de la veille : l’étape suivante consiste à capitaliser sur ces informations pour les transformer en connaissances, se créer un système de gestion de connaissances personnelles et utiliser tout cela de manière concrète.
On entre alors dans le champ du PKM (Personal Knowledge Management), une discipline qui existe depuis les années 90, mais qui bénéficie aujourd’hui de beaucoup plus de visibilité et qui se démocratise notamment suite à la sortie de l’ouvrage de Tiago Forte « Construire un second cerveau : une méthode complète pour organiser votre vie numérique et libérer votre potentiel créatif », un best-seller paru en 2022 (2023 pour la version française) et vendu à plus de 100 000 exemplaires à travers le monde.
Dans cet article, nous vous expliquons comment les professionnels de l’information peuvent mettre en place ou améliorer leur système de gestion de connaissances personnelles en tirant parti des enseignements de l’ouvrage « Construire un second cerveau » de Tiago Forte.
Comment créer un système de gestion des connaissances personnelles simple, efficace, flexible et pas trop chronophage capable de s’intégrer dans ses activités quotidiennes ?
Le PKM (Personal Knowledge Management) se définit comme « un ensemble de processus qu’un individu doit mettre en œuvre pour rassembler, classer, stocker, rechercher et récupérer des connaissances dans ses activités quotidiennes. Les activités ne se limitent pas aux tâches liées à l’entreprise ou au travail, mais comprennent également les intérêts personnels, les passe-temps, la maison, la famille et les loisirs. (…) Pour que les entreprises et individus puissent rester compétitifs dans la « nouvelle économie » (où créativité et innovation sont deux termes courants dans le monde des affaires d’aujourd’hui), il est important de pratiquer le PKM et il est nécessaire de collaborer entre individus » - (Source : « Technologies for personal and peer-to-peer Knowledge Management”, Tsui, 2002)
Selon une étude Microsoft, l’employé américain moyen consacre 76 h/an à rechercher des notes, des objets ou des fichiers égarés. Une autre étude de l’International Data Corporation a mis en évidence que : « 26 % de la journée d’un travailleur du savoir est passée à chercher et à consolider des informations éparpillées sur plusieurs systèmes. Pire encore, ce n’est que dans 56 % des cas que l’employé trouve l’information requise pour faire son travail. En d’autres termes, nous travaillons 5 jours par semaine, mais nous en consacrons plus d’un à ne faire que chercher de l’information, qu’une fois sur deux nous ne trouvons pas. ». - Tiago Forte
Seule solution face à ce fléau : se doter du meilleur assistant personnel possible `en la personne` d’un second cerveau numérique.
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La veille métier veille/infodoc et la gestion des connaissances qui s’en suit fait partie de mes pratiques depuis de nombreuses années. Cela me permet notamment de rester à jour, m’aide à développer mes compétences métier et me sert aussi à trouver des idées de sujets pour Bases et Netsources, bénéficier d’une base de matière brute pour rédiger des articles, préparer des formations ou des conférences et plus largement nourrir ma réflexion.
Ce système de veille/PKM (Personal Knowledge Management) a évolué avec les années aussi bien au niveau des contenus que des outils et technologies utilisés. Et si depuis quelques années, j’avais un système qui répondait bien à mes besoins et attentes, j’ai pu constater au cours des derniers mois qu’il arrivait un peu à bout de souffle et qu’il était temps de le faire évoluer. En cause : certains outils qui se dégradent, un volume d’informations toujours plus important à prendre en compte sans pour autant avoir plus de temps à y consacrer et des briques intermédiaires de ma réflexion qui continuent à se perdre ou qui prennent trop de temps à être retrouvées.
J’ai donc décidé de tester les méthodes préconisées par Tiago Forte dans son ouvrage « Construire un second cerveau » et par Sönke Ahrens dans « Comment prendre des notes intelligentes ». Retour sur mon expérience et sur les bénéfices apportés.
Mon système de gestion de connaissances personnelles repose en partie sur des contenus externes issus de ma veille métier, veille que je réalise depuis des années et qui s’est étoffée avec les années au gré des tendances, innovations et évolutions du marché.
Elle s’est par exemple récemment enrichie d’une dimension IA (voir article « Intégrer une dimension IA à sa veille métier infodoc » dans ce même numéro).
Face à l’augmentation continue du volume d’informations issu de ma veille (sans qu’il y ait pour autant plus de contenus sélectionnés, il y a surtout plus de bruit), j’ai aussi procédé à quelques ajustements en réduisant les alertes Web par mots-clés qui génèrent de plus en plus de contenus non pertinents et en supprimant quelques sources qui publient beaucoup et pour lesquelles je ne sélectionne que quelques contenus par an.
Pour comprendre le fonctionnement et le spectre de ma veille métier, j’ai réalisé une infographie que vous pouvez retrouver en figure 1.
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