À l’heure où OpenAI lance SearchGPT, son propre moteur de recherche intégré directement dans son chatbot, une question brûle sur toutes les lèvres : SearchGPT va-t-il détrôner Google ?
Au-delà de la « simple » question du modèle économique de Google et toutes réserves faites par ailleurs sur la robustesse des modèles d’IA face à leurs ambitions de déploiement planétaire, une autre question tout aussi cruciale nous semble se profiler : comment notre « expérience d’utilisateurs professionnels » est-elle transformée par les nombreux acteurs émergents de la recherche et de la veille ?
Depuis plusieurs mois, ces nouveaux acteurs consolident leur place et élargissent considérablement le champ d’utilisation opérationnelle des outils de veille et de recherche tels que nous les pratiquions jusqu’ici.
Dans ce nouveau numéro de Netsources, nous explorons ces transformations avec l’article de Véronique Mesguich qui analyse la concurrence entre You.com, «moteur de productivité polyvalent», et Perplexity, ainsi que l’article d’Ulysse Rajim sur NotebookLM, dont il analyse le rôle d' «un assistant pour la veille augmentée». Notons tout de même au passage que NotebookLM est produit par... Google.
Nous découvrirons sous leur plume comment ces moteurs ne se contentent plus d’afficher des résultats bruts. Ils permettent aux professionnels de l’information de réaliser des synthèses claires et structurées, enrichies par le traitement de très grandes quantités d’informations de multiples sources. L'information est désormais beaucoup plus facilement manipulable, permettant une structuration et un enrichissement en temps réel grâce à une grande puissance de traitement d'énormes volumes de données. Cela offre une nouvelle façon de gérer la connaissance, ce qui est essentiel pour la gestion de masses d'informations et de connaissances. L'utilisateur peut ainsi naviguer entre différents modes-recherche, génération de contenu et même création d'images-en fonction de ses besoins.
Nous serons également très attentifs à la méthode innovante et personnalisée que nous propose Ulysse Rajim avec un véritable guide de l’automatisation de la veille grâce à l’IA.
Le lecteur pourra mesurer en filigrane comment ils modifient en profondeur la collecte, le filtrage et l’analyse de l’information ainsi que la gestion des connaissances au sein des entreprises, en les rendant accessibles et exploitables par différents services et équipes à une échelle beaucoup plus large.
Automatiser sa collecte d'informations, synthétiser des documents très volumineux, personnaliser ses agents de recherche, toutes ces possibilités sont désormais à votre portée. L’idée est d’exploiter l’IA non pas comme une curiosité technologique, mais comme un véritable levier de productivité et de performance.
« Moteur de productivité » : c’est ainsi que se définit la plateforme You.com. Ce concept de productivité, souvent associé à des outils de travail collaboratif comme Notion ou Trello, serait-il annonciateur d’une nouvelle dimension apportée aux outils et méthodes de recherche professionnelle d’information ?
You n’est pourtant pas totalement un nouveau venu dans le monde des outils de recherche et a déjà été chroniqué dans les colonnes de Netsources. La plateforme a été lancée en effet dès 2020 par Richard Socher, ancien Chief Scientist chez Salesforce et spécialiste du traitement du langage naturel, et Bryan McCann, chercheur en IA. À l’origine, You.com se présentait comme un moteur agrégateur de contenus issus de pages web, ou de sources spécialisées (Reddit, LinkedIn…), la recherche web s’appuyant notamment sur le moteur Bing.
Depuis 2023, la plateforme a pris le virage des technologies d’IA générative et propose non seulement des services de recherche, mais également des applications d’aide à la rédaction, à la création d’images, ou encore au codage. You.com se présente ainsi désormais comme un assistant IA personnalisé. Commençons par un tour d’horizon de ses principales fonctionnalités.
La veille, on le sait, est une activité en première ligne face à la surcharge informationnelle.
Ce défi, auquel le veilleur est confronté quotidiennement, a été pris en compte par les plateformes de veille depuis plusieurs années, avec des résultats variables. Récemment, cependant, ces plateformes ont franchi une nouvelle étape en intégrant l’intelligence artificielle (cf. Netsources 171).
Quant à la majorité des veilleurs confrontés à la gestion quotidienne de cette infobésité, l’utilisation de l’IA représente également un atout considérable dans leur gestion quotidienne de l’information.
L’intelligence artificielle, et notamment les Large Language Models (LLMs), offrent des solutions pour relever ce défi en automatisant les tâches les plus chronophages du processus de veille : extraction des contenus, première phase d’analyse, catégorisation et synthèse. Nous proposons ici de vous guider avec une approche pragmatique pour intégrer ces nouvelles capacités dans vos workflows, en s’appuyant sur des outils d’automatisation et d’IA générative accessibles à tous.
À l’ère de l’IA générative, les outils de veille évoluent pour offrir de nouvelles capacités d’analyse documentaire.
Parmi les nouveaux venus dans l’écosystème des outils d’IA pour la veille, NotebookLM se positionne comme un assistant de recherche et d’écriture basé sur l’IA. Ce service, développé par Google, pourrait aider les professionnels de l’information à interagir plus facilement avec de multiples sources de données disparates.
Avec la capacité d’analyser des quantités importantes de texte, jusqu’à plusieurs milliers de pages d’un coup, et de traiter différents types de contenus (texte, audio, images, vidéos), NotebookLM répond bien aux besoins du professionnel de l’information moderne. Explorons comment cet outil, intégrant l’IA de manière native, pourrait influencer les pratiques de veille en permettant une exploration plus riche et contextualisée des données.
On pressent que la « révolution IA générative » va à terme jouer un rôle central dans la redéfinition des pratiques de veille stratégique et technologique. Dans ce nouveau Netsources, nous vous emmenons au cœur de cette métamorphose naissante.
Deux des experts reconnus de la veille en France, Mathieu Andro et Corinne Dupin, ont mené une nouvelle étude du marché des plateformes de veille. Nous sommes heureux d’ouvrir ce numéro avec leur analyse approfondie de l’enquête 2024. Leur étude révèle l’intégration croissante de l’IA dans ces systèmes, qui laisse présager une refonte en profondeur du modèle traditionnel du cycle de la veille.
La révolution de l’IA s’étend également au champ cognitif, démocratisant l’accès à la connaissance. Par exemple, dans le domaine scientifique, Aurélie Vathonne démontre comment de nouveaux outils dopés à l’IA permettent désormais à des veilleurs généralistes de s’immerger dans des domaines complexes, brisant ainsi les barrières d’entrée au savoir scientifique (« Comment se saisir avec pertinence de l’information scientifique lorsqu’on n’est pas scientifique ? »).
Par ailleurs, l’article « Perplexity, le couteau suisse de la découverte d’informations et de la curiosité » analyse l’évolution de ce moteur de réponses hybride, combinant les forces d’un moteur de recherche traditionnel et d’un agent conversationnel. Perplexity incarne cette nouvelle génération d’outils visant à réduire l’incertitude et à fournir des réponses claires, tout en suscitant des débats éthiques sur l’utilisation des sources et la propriété intellectuelle.
Enfin, nous aborderons une question rarement traitée, mais présente dans tous les esprits : «Faut-il optimiser ses prompts en fonction de chaque modèle d’IA ?». Cette interrogation souligne notre prise de conscience des enjeux liés à la personnalisation de nos interactions avec les modèles d’IA, afin d’en tirer le meilleur parti. Nous verrons également comment l’IA offre au veilleur/analyste généraliste de nouvelles perspectives en termes d’immersion dans des champs de connaissance qui lui étaient jusque-là inaccessibles.
Rappelons quand même que l’IA générative, même nourrie des meilleurs prompts et d’investissement personnel, reste un outil qui amplifie l’expertise humaine plutôt qu’un substitut à la réflexion critique et à l’expertise métier.
En 2022, nous avions déjà mené une première grande enquête sur les plateformes de veille. Elle avait fait l’objet d’un numéro spécial de la revue I2D.
Depuis cette date, le marché s’est transformé avec l’intégration de Digimind dans Onclusive (juillet 2022), les rachats successifs par Chapsvision, après celui de Bertin (AMI EI) en juin 2021, de QWAM (mars 2023) et Geotrend (juin 2023) et de plusieurs autres acteurs de l’OSINT, de la traduction ou de l’analyse de données, ou encore l’acquisition d’Iscope par KB Crawl en février 2024.
En parallèle, et depuis 2020, d’autres acteurs, plus petits et aux publics plus confidentiels, sont apparus sur le marché des éditeurs de veille, avec des solutions souvent boostées par l’intelligence artificielle. Le recours croissant aux technologies d’IA a considérablement accéléré la transformation des technologies de veille.
Il était donc devenu nécessaire d’actualiser notre enquête.
Mathieu Andro est Animateur du réseau de veille des Services du Premier ministre
Corinne Dupin est Consultante et formatrice au sein du cabinet Ourouk
Pendant assez longtemps, la veille business et la veille scientifique et technique ont constitué des champs tout à fait distincts avec des compétences et ressources spécialisées bien définies pour les piloter, ainsi que des objectifs, des méthodes, des outils et des sources propres.
Puis la mise en place de plus en plus courante de veilles dites « innovation » a commencé à brouiller les frontières, mêlant informations concurrentielles et technologiques, et l’on constate que les spécialistes de la veille au sein des départements marketing et R&D de grands groupes travaillent étroitement ensemble pour fournir leurs analyses stratégiques au top management.
La veille IST a longtemps nécessité un véritable background scientifique et technique dans un domaine spécifique, quel qu’il soit (matériaux, énergie, agro-alimentaire, etc.), pour pouvoir exercer ce rôle efficacement. Pourtant, comprendre non seulement la pertinence, mais aussi l’apport de certains travaux scientifiques ou d’articles techniques n’est plus mission impossible pour celui qui n’est pas du sérail, et ce grâce au développement récent des outils d’intelligence artificielle qui changent la donne.
Bien sûr, un veilleur « généraliste » ne pourra jamais se hisser au niveau d'expertise d’un ingénieur spécialiste, mais l’IA va lui permettre en revanche d’élever sa compréhension des documents sans avoir de bagage spécifique et sans connaître tout le vocabulaire scientifique et technique spécialisé.
À l’arrivée de ChatGPT, nous avons vu fleurir sur le web et les réseaux sociaux une quantité de conseils sur l’art subtil de la formulation des prompts. On a vu également émerger une multitude d’outils et de bibliothèques de prompts prêts à l’emploi, souvent payants, adaptés à divers secteurs et types de questions (cf. FOCUS IA : maîtriser et gérer ses prompts - BASES no421- Janvier 2024). Cette révolution IA a même donné naissance à un nouveau métier : le prompt engineering, qui semble se professionnaliser de plus en plus.
Rappelons au passage qu’un prompt (ensemble d’instructions ou encore d’invites) est adressé à un modèle de langage (LLM) via une interface utilisateur, qui peut prendre la forme d’un chatbot (interface conversationnelle) pour générer des réponses ou des contenus spécifiques. Par exemple, Open AI a développé le modèle GPT (avec ses déjà nombreuses versions) et a mis à disposition des utilisateurs le chatbot ChatGPT.
Ces conseils et outils se concentrent principalement autour de ChatGPT, ce qui ne surprend pas au regard de la large et rapide démocratisation de l’IA générative qu’OpenAI a su orchestrer : il était urgent de fournir un « mode d’emploi » pour utiliser efficacement ce chatbot.
Cependant, une question fondamentale demeure : peut-on utiliser les mêmes prompts pour tous les modèles d’IA établis sur le marché (outre GPT : Gemini, Claude, Mistral, Llama principalement) ? Par exemple, Claude répond-il de manière aussi satisfaisante à un prompt conçu pour ChatGPT ?
Perplexity se définit comme un «moteur de réponses» innovant, combinant les fonctionnalités d’un moteur de recherche traditionnel avec celles d’un agent conversationnel alimenté par l’IA : une sorte d’hybride entre ChatGPT et Google Search.
Son ambition affichée est de concurrencer Google sur le marché de la recherche en ligne, en proposant une approche radicalement différente : plutôt que de fournir une simple liste de liens, Perplexity génère des réponses textuelles rédigées en s’appuyant sur des sources d’information récentes, variées et toujours indiquées en référence par l’outil.
La start-up californienne fondée en 2022 par un ancien d’Open AI, a rapidement attiré l’attention des investisseurs, atteignant une valorisation d’un milliard de dollars en 2024.
Le nom «Perplexity AI» fait référence à la notion de perplexité en théorie de l’information, qui mesure l’incertitude, mais il est utilisé ici de manière inverse. L’objectif de Perplexity AI est de réduire l’incertitude (ou la perplexité) des utilisateurs en fournissant des réponses claires et précises, transformant ainsi la haute perplexité en basse perplexité dans le domaine de la recherche d’information.
Pour fonctionner, Perplexity extrait les données d’internet au moment où la question lui est posée, de sorte que les réponses sont réputées être toujours à jour. Il s’appuie ensuite sur plusieurs modèles de langage, le sien propre mais aussi celui d’OpenAI, le modèle open source Llama de Meta ou encore Claude 3, pour produire ses réponses. De plus, il propose des questions connexes à la requête initiale (rappelant un peu les requêtes suggérées de Google), permettant ainsi d’affiner progressivement la recherche.
L’accès peut se faire sans obligation de créer un compte, via le site web de l’application ou une application mobile, avec fonction de recherche vocale disponible sur iPhone. Il existe enfin une extension Chrome qui permet d’y accéder à partir de n’importe quelle page web, de lui faire résumer la page ou répondre à des questions sur ce qu’elle contient.
Dans ce numéro, nous continuons à explorer les défis que représentent pour les professionnels de l’information l’entrée dans l’ère de l’intelligence artificielle, tout en examinant les nouvelles méthodologies, les retours d’expérience et les tendances actuelles qui façonnent nos métiers.
L’émergence des IA génératives, illustrée par le succès fulgurant de ChatGPT, marque un tournant dans nos pratiques. Véronique Mesguich, dans la nouvelle édition de son ouvrage «Rechercher l’information stratégique sur le web», introduit l’impact des IA génératives sur la veille stratégique et la recherche d’information. Si ces outils offrent de nouvelles perspectives d’analyse et de traitement des données, ils nécessitent une approche critique pour éviter les écueils d’informations inexactes ou biaisées.
Le passage d’une «culture de stock» à une «culture de flux» reste un défi majeur, comme le souligne notre article « Adopter une logique de flux... plus facile à dire qu’à faire ». Cette transition n’est pas simplement une tendance, mais une nécessité pour rester pertinents et efficaces. Il s’agit de transformer notre rapport à l’information, en favorisant la capture et l’exploitation en temps réel des données plutôt que leur simple accumulation.
Dans «Bonnes pratiques pour systématiser la surveillance de vos concurrents», nous découvrons des méthodes structurées pour maintenir une veille efficace sans être submergés par l’information. La clé réside dans la sélection rigoureuse des sources et l’automatisation des processus, permettant de se concentrer sur l’analyse et la prise de décision.
L’article «Le jour où j’ai voulu mettre en place une veille collaborative» offre un retour d’expérience précieux sur les défis et les succès de la veille mutualisée. Cette aventure, menée au sein d’une PME, démontre que la mutualisation des efforts peut transformer les pratiques individuelles en intelligence collective, malgré des obstacles organisationnels et humains à ne pas sous-estimer.
Rester agile et professionnel, ce sont deux des nombreux mots clefs qui résument les défis actuels de nos métiers. Face aux transformations, nous sommes invités à nous adapter constamment, à nous former sans relâche et à réinventer sans cesse nos rôles et pratiques au sein des organisations.