Véronique Mesguich a publié récemment publié la deuxième édition de « Rechercher l’information stratégique sur le Web » aux éditions Deboeck Supérieur. L’occasion pour nous de discuter avec elle de ce nouvel ouvrage et des challenges qui attendent les professionnels de l’information en 2022.
AM. Libmann : « Rechercher l’information stratégique sur le web » en est donc à sa deuxième édition. On se rappelle la précédente série des Net recherche co-écrits avec Armelle Thomas. À quel moment se rend-on compte qu’il faut refaire un tour complet de la précédente édition ? Et est-ce qu’aujourd’hui le rythme s’accélère dans un contexte de bouleversements permanents ?
V. Mesguich : L’évolution est parfois tellement rapide qu’il faudrait idéalement pour certains points envisager une mise à jour annuelle… ce qui n’est pas très réaliste au regard du temps long de l’écriture et de la publication.
La précédente édition a été publiée en 2018, j’ai démarré la mise à jour fin 2020 pour une parution à l’été 2021. Il est difficile de déterminer le moment le plus opportun pour une nouvelle publication : le rythme de l’innovation, dans le monde de la recherche d’information comme d’autres secteurs, n’est en effet pas linéaire ni continu. Les changements se produisent souvent sous forme aléatoire ou chaotique.
La mise à jour n’a pas consisté seulement à éliminer des outils et sources obsolètes ou ayant disparu : j’ai, entre autres, développé davantage le chapitre consacré à l’analyse, en présentant notamment des solutions de datavisualisation « clés en mains » et assez simples à utiliser, qui illustrent le phénomène de « data démocratisation ».
Bien sûr ces deux dernières années ont été particulièrement singulières, la crise sanitaire a eu un impact sur l’évolution générale du monde du numérique ainsi que les usages, mais a pu paradoxalement ralentir certains projets en cours, comme le déploiement de l’index « Mobile First » chez Google.
Peut-on distinguer des points sur lesquels une « simple remise à jour technique » suffisait et d’autres qui exigeaient en revanche un changement radical de regard ?
Les principales innovations chez les GAFAM, depuis déjà plusieurs années, tournent autour de l’intelligence artificielle. Et l’IA participe à la fois de ce changement de regard (par exemple, avec les algorithmes Rank Brain puis BERT chez Google) et de la remise à jour technique. Je ne pense pas qu’il y ait une distinction flagrante entre les deux, les deux aspects sont liés.
Qu’est-ce qui a profondément changé depuis trois ans dans le domaine de la veille et de la recherche d’information ?
Je distinguerais trois évolutions majeures, dans des registres assez différents.
Concernant les moteurs de recherche, je note une accélération (notamment chez Google, mais suivi par ses désormais rares concurrents) dans le passage d’un modèle de « moteur de résultats » à un modèle de « moteur de réponses ». Cela se traduit par des changements progressifs dans l’affichage des pages de résultats (SERP) : d’abord le knowledge graph, puis les « features snippets », les « autres questions posées »…
Selon une étude récente de Similarweb, les recherches « Zéro clic », c’est-à-dire qui aboutissent à des résultats calculés par Google, atteignent plus de 65 % du total, et ce chiffre est encore plus important sur mobile. Ce n’est pas sans conséquences : d’abord, cela induit une baisse de la fréquentation de sites, mais surtout, pour les utilisateurs, cela conduit à des risques de pensée unique et à une vision très réductrice de la diversité des sources et des points de vue.
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